Un 23 septembre, en 1865, naît SUZANNE VALADON, femme aux dons multiples, celui de poser comme modèle - ce qui n'est pas moindre -, celui de danser et d'aimer... et bien sûr celui de peindre avec un grand talent, et bien que n'ayant reçu aucune formation initiale.
En tant que modèle, sa beauté éclatante a été immortalisée par les grands peintres de son temps. Dont le très emblématique Henri de Toulouse Lautrec. Rayonnante, elle est la fraîcheur et la sensualité incarnée, et c'est par les yeux de Pierre-Auguste Renoir que j'aime surtout à la montrer... préférence subjective, certes.
Suzanne Valadon va exister et réussir à la seule force de sa volonté en ces foisonnants 19ème et début du 20ème siècle ! Un avènement artistique remarquable pour une femme issue de la classe populaire.
Enfant naturelle d'une mère blanchisseuse, elle a à peine seize ans et s'appelle encore Marie-Clémentine quand elle s'installe avec sa mère à Montmartre. Là elle multiplie les petits métiers, livre le linge aux clientes de sa mère et commence aussi à poser. Un temps, elle est acrobate dans un cirque, mais un accident va mettre fin à cette orientation professionnelle… une chance, au regard de la suite !
Sans souci de chronologie, faisons un bond dans le temps... Alors que déjà elle n'est plus jeune, voilà qu'arrive un petit miracle dans la vie de Suzanne... un beau chat entre un jour béni dans sa vie : une rencontre ! c'est RAMINOU, que j'ai eu envie de rendre ici omniprésent, entre les autres peintures emblématiques de l'artiste.
De Raminou et de Suzanne Valadon, on peut dire qu'ils sont dans un sentiment de parfaite réciprocité : il est le chat de sa vie à elle et elle est l'humaine de sa vie à lui ! Tous deux indépendants et libres, ils n'en sont que plus complices et inséparables. Raminou est un chat humain et Suzanne une humaine chat... Et n'est-ce pas ainsi que nous façonnent et nous changent les grandes amitiés inter-espèces ?
Grande figure du mythique Montmartre, talentueuse, impétueuse et insoumise, Suzanne Valadon a plus d'un point commun avec les chats... dont la liberté d'être n'est pas le moindre ! Raminou et Suzanne : libres ! Mais libres ensemble !
Car être libre, voilà bien une ambition commune au chat et à la femme "sauvage". Une condition essentielle, impérieuse, pour une existence digne de ce nom !
Mais pour la femme, même la plus “libre dans sa tête”, la liberté resta longtemps un rêve, et l’indépendance une utopie. Peut-on d'ailleurs parler d’une réalité acquise en ce vingt-et-unième siècle, autre part que dans nos coeurs et nos esprits ? En aucune façon !
Mais s’il est une avancée, elle se situe avant tout dans l’effort d’exister au quotidien, autrement que de façon subalterne, autrement qu’”asujetties à”... Car cet "état" d'indépendance et d'autonomie, même un temps obtenu, est toujours fragile, et les lieux et les époques qui se succèdent encore trop souvent obscurs pour la femme...
... Oui, état toujours fragile et ambition toujours fragilisante... et dont le prix à payer vaut souvent son pesant d’or ! Chemin semé d'embûches... Malgré ça, contre vents et marées et de tous temps, des femmes ont relevé le défi. Et c’est en cela qu'elles ressemblent aux chats fiers, irréductibles, familiers et doux mais jamais tout à fait "domestiques" ! Et Suzanne Valadon est de celles-là.
Ses débuts dans le monde de l'art avaient été ceux d'un modèle. D'une grâce exquise, elle pose, mais ne s'en contente pas... elle observe aussi ! Avide d'apprendre la technique de ceux qui de façon indirecte vont être ses maîtres en peinture : Pierre-Auguste Renoir, Pierre Puvis de Chavannes, Théophile-Alexandre Steinlen. Et c'est Henri de Toulouse-Lautrec qui de Marie-Clémentine la rebaptise "Suzanne ". C'est lui aussi qui lui conseille de montrer ses dessins à Edgar Degas, lequel est enthousiasmé au point d'en faire sa protégée et son élève.
Et c'est bien en posant, tel un chat silencieux et attentif, que Suzanne Valadon s'initie à la peinture. Elle était une artiste qui s'ignorait et voilà que son don éclate au grand jour ! Il y a vraiment du chat en elle… souplesse et intelligence... et les chats, elle aime à les représenter. Son point d'orgue en la matière sera son cher Raminou qu'elle aime si fort ! Et à travers ses nombreuses représentations, qui connaît Suzanne Valadon connaît Raminou. Il nous est devenu tellement familier tant il fait partie intégrante de la vie de la belle artiste.
La beauté de Suzanne Valadon a été magnifiée par les peintres de son temps, tous rencontrés dans le milieu artistique montmartrois qu'elle fréquente et où sa vie amoureuse s'épanouit de façon aussi libre qu'elle l'est elle-même.
Là, dans ce brassage artistique et les fêtes qui s'y déroulent, elle rencontre un aristocrate espagnol, Miquel Utrillo i Morlius. Il est homme de lettres, journaliste, mais aussi peintre et critique d'art. Il devient son amant et elle n'a que dix-huit ans quand elle est enceinte. L'enfant à venir n'est autre que Maurice Utrillo, né Valadon avant que Miquel Utrillo le reconnaisse. Il était certainement son père biologique, bien que Suzanne disait n'avoir aucune certitude réelle quant à la paternité... franche et honnête jusqu'au bout !
Merlin chat conteur aime particulièrement le rapport entre cette femme artiste et libre, et Raminou, son chat adoré. Un chat et une femme qui, dès l’instant où ils se sont trouvés, sont devenus inséparables. Car Raminou la suit dans tous ses déplacements. Raminou est trouvé par Suzanne et adopté alors qu'il est déjà adulte. Beau comme Suzanne est belle, c'est un charismatique chat tigré de couleur fauve solaire.
Talentueuse, impétueuse et insoumise, défiant les règles de vie imposées aux femmes, Suzanne eut ce point commun avec les chats qu'est la liberté d'être et d'évoluer à son gré, sans entrave.
Pour rendre hommage à la femme féline et indépendante, Merlin chat conteur a voulu Raminou omniprésent dans ce petit ode à la condition féminine, qui se veut en même temps un hommage à l'amitié indéfectible... l'amitié à la vie à la mort. Est-il besoin d'un regard plus éloquent que celui que Raminou porte à Suzanne, la tête levée vers son visage ?
— Viviane Caroline SZ, le 22 septembre 2018
✒ Quelques repères
- Suzanne Valadon est avant tout une autodidacte qui n'a jamais fréquenté l'académie. Ses oeuvres sont des portraits féminins, des nus tant féminins que masculins, envisagés avec un grand naturel. Et qu'une femme ose le nu masculin est scandaleux à l'époque. Elle peint également des bouquets, des paysages et des natures mortes.
- Elle est née Marie-Clémentine Valadon le 23 septembre 1865 à Bessines-sur-Gartempe, dans la Haute-Vienne.
- Le 26 décembre 1883, elle donne naissance au peintre Maurice Utrillo.
- En 1894, elle expose pour la 1ère fois au Salon de la Société Nationale des Beaux-Arts dont elle devient membre ; elle est la première femme à y être admise.
- Elle se marie une première fois en 1896 avec l'un des amis du compositeur Erik Satie avec qui elle avait entretenu une relation trois ans plus tôt. Treize ans plus tard, son mariage est rompu. On est en 1909 et elle se met en couple avec un ami de son fils, le peintre autodidacte André Utter, de vingt-et-un ans son cadet. Peintre, il ne l'est pas encore : c'est elle qui l'initie à la peinture. Ils se marieront cinq ans plus tard, en 1914, juste avant qu'il parte à la guerre. Ils resteront près de trente ans ensemble dans une union souvent tumultueuse.
- La fin de sa vie est solitaire, très dure, et elle s'éteint suite à une hémorragie cérébrale le 07 avril 1938, à Paris, six ans après son cher Raminou.
🎨 🎨 🎨 ... avant de clore
Un dernier portrait de Suzanne, peinte par Toulouse-Lautrec
Portrait de Miquel Utrillo I Morlius, le compagnon de sa jeunesse et père de son fils, Maurice Utrillo. Fusain, crayon et sanguine, par Suzanne Valadon.
André Utter, futur mari de Suzanne pose ici avec elle-même en autoportrait pour le tableau Adam et Ève. Un nu daté de 1909, qui évidemment scandalise la société de l'époque... non pour la nudité, mais parce qu'une femme a osé un style représentation réservé aux hommes... c'est que les femmes étaient alors censées peindre plutôt des bouquets de fleurs !