Pierre Loti, ses mots du coeur pour les chats

Plutôt que de revenir sur sa biographie, c'est à travers quelques citations et photos que j'évoque ici Pierre Loti et son grand amour des chats.

Romancier et officier de marine, l'écrivain qui était né Louis-Marie-Julien Viaud voyagea dans de nombreux pays, dont le Sénégal, la Chine, le Japon, l'Indochine, l'Algérie, les Îles Marquises, l'Île de Pâques, l'Inde… et Tahiti, où la reine Pomaré lui donna le nom d'une fleur locale : " loti ".  Cela lui plut, et avec " Pierre ", ce sont ce prénom et cette appellation de fleur qui allaient devenir son nom de plume.

Connaître les événements majeurs de sa vie est facile, la documentation ne manque pas.  Aussi, en compagnie de mes chats attentifs et bienveillants, me bornerais-je ici à une flânerie au gré de quelques extraits.  Car c'est un essentiel de l'âme de Pierre Loti !  Il fut de ceux qui savent disserter du chat avec une infinie délicatesse, de ceux qui pressentent et respectent l'insondable mystère du félin :

"Dans notre ignorance de tout, notre impuissance à rien savoir, quel étonnement (et peut être quelle terreur) il y aurait à pénétrer, par les étranges fenêtres de ces yeux, jusqu'à l'inconnaissable de ce petit cerveau caché derrière, … Mais non, jamais, jamais, il ne sera donné à aucun de nous de rien déchiffrer dans ces petites têtes câlines qui se font si amoureusement caresser, tenir et comme pétrir dans nos mains."

Pierre Loti eut plusieurs chats bien aimés, qui vécurent tout autour de lui dans cet environnement exotique et excentrique qu'il affectionnait.  Il les y retrouvait quand il n'était pas en voyage.

Pierre Loti avec Pamouk dans les bras

Voici les noms de ses amours à fourrure :

  -  d'abord Monsieur Souris, dit "La suprématie" - le chat de son enfance ;

  -  Ratonne ;

  -  Belkis, qu'il fit baptiser à Istanbul (ce qui scandalisa pour le moins) ;

  -  Kedi-Bey (littéralement "Seigneur Chat" en turc) ;

  -  Pamouk, l'angora noir ramené de Turquie ;

  -  Belaud ;

  -  Madame Moumoutte chinoise, ramenée d'Asie ;

  -  et… Madame Moumoutte blanche.

Serviteur de Pierre Loti tenant dans ses bras Belkis

Sur la Moumoutte blanche, il écrit :

" Il était très avenant, le minois de la Moumoute : des yeux tout flambant jeunes, presque enfantins, le bout d'un petit nez rose, puis plus rien, tout le reste perdu dans les touffes d'une fourrure d'angora, soyeuse, propre, chaude, sentant bon, exquise à frôler et à embrasser. Et elle continuait de me regarder, mais de me regarder dans les yeux, ce qui déjà indiquait dans sa petite tête tout un monde de conceptions intelligentes. Il fallait que mes yeux fussent pour elle des yeux, c'est-à-dire les miroirs où sa petite âme cherchait anxieusement à saisir un reflet de la mienne. "

Cette évocation de l'âme féline, c'est plus d'une fois que Pierre Loti en fera mention… sa sensibilité, son mystère, que d'âme à âme, il sut capter…

Au début du XXème siècle, révolté devant les mauvais traitements infligés aux animaux, il devint Président d'honneur de la Société protectrice des chats.

Évidemment, sa compassion allait aux autres animaux également, dont il fut un très sincère défenseur, ainsi que le laisse voir cet autre propos :

" J’ai peut-être encore plus de pitié pour ces âmes de bêtes que pour celles de mes frères les humains parce qu’elles sont sans parole et incapables de sortir de leur demi-nuit, surtout parce qu’elles sont plus humbles et plus dédaignées. "

En 1907, Loti écrivit Vies de deux chattes qui relate ses relations avec Moumoutte Blanche et Moumoutte Chinoise, ramenée d'Asie quant à elle.  Ses deux protégées furent installées avec tous les honneurs dus à leur rang dans sa maison de Rochefort, en Charente-Maritime. Et eurent même leur carte de visite au nom de Madame Moumoutte Blanche et Madame Moumoutte Chinoise, avec la précision de "première et seconde chattes chez Pierre Loti" (par ordre d'arrivée, préséance oblige !).

Comme Pierre Loti, quel amoureux des chats n'hésite à réveiller son chat qui dort, comme si interrompre son sommeil était une sorte d'acte de cruauté, voire même de sacrilège…

Il écrit :

" … comme je comprends Mahomet, au chant du muezzin qui l'appelait à la prière, coupant avec des ciseaux le coin de son burnous avant de se lever, par crainte de déranger son chat qui s'était installé dessus pour dormir. "

Qui, vivant entouré de félins, ne connait leur amour pour les instants méditatifs auxquels succèdent les siestes et les sommeils profonds devant un feu de cheminée ou toute source de chaleur rayonnante ?  Le chaud qui les comble d'aise et les endort voluptueusement…

" L'hiver est la saison où les chats deviennent plus particulièrement des hôtes du foyer, des compagnons de tous les instants au coin du feu, partageant avec nous, devant les flammes qui dansent, les vagues mélancolies des crépuscules et les insondables rêves. "

Illustration : Arjan van Gent

Et que dire de leur faculté à s'abandonner à tout instant de volupté… Les chats ne sont-ils pas les Maîtres du "Carpe diem"…

" Elle passait des journées contemplatives délicieuses, dans des poses de bien-être, étalée nonchalamment sur les pierres et la mousse, jouissant du silence. (…) "

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Mystère de cette peinture du Douanier Rousseau…

Il y a deux ans, j'avais montré, sur la page Facebook de Merlin Eccecattus, cette peinture d'Henri Rousseau (1844 - 1910)  en tant que portrait de Pierre Loti... Aurais-je commis là une erreur ?  Et bien que cette image figure en première de couverture  d'une édition de Vies de deux chattes…

… Car d'après certaines recherches, il s'agirait plutôt - peut-être… - de la représentation de l'écrivain et directeur de journal Edmond Franck qui affirmait l'avoir commandé et également être le modèle du tableau, qui aurait en outre été effectué à son propre domicile.

Ce qui va dans le sens de cette version est qu'Henri Rousseau avait, en 1906, présenté cette œuvre dans un Salon sous le titre "Portrait de Monsieur F"…

Ce portrait, l'écrivain Edmond Franck l'aurait ensuite détruit…  Mais le Douanier Rousseau en ayant conservé une copie, elle aurait ensuite été prise comme étant le portrait de Pierre Loti... une identification communément admise, jusque dans les dictionnaires et sur la première page d'une des éditions du livre Vies de deux chattes…

Donc, j'intègre cette peinture… d'autant que la ressemblance y est !  Tout comme celle du couvre-chef semblable à un de ceux que portait Pierre Loti.  Par surcroît, le personnage est accompagné d'un chat : sa  présence ne peut qu'alimenter la controverse, la confusion troublante…

Quoi qu'il en soit de cette peinture du Douanier Rousseau, l'essentiel pour Merlin chat conteur est d'avoir ici évoqué cet amour empreint de respect, de tendresse et d'émotion qu'a porté Pierre Loti aux chats de sa vie.  Et la cause animale vers laquelle alla sa compassion.

— Viviane Caroline SZ, le 14 janvier 2024

Pierre Loti, par Eugène Abot

✒ Pierre Loti, né Julien Viaud, venu au monde à Rochefort, en Charente-Maritime le 14/01/1850 et décédé à Hendaye dans les Pyrénées-Atlantiques le 10/06/1923